When the past is back Ft Cara

Tu n'aurais jamais parié trouver ton bonheur dans un emploi de barman et pourtant, depuis le fin du lycée, tu avais testé un bon nombre d'emplois et c'était le seul qui t'amusait vraiment. Et surtout le seul dans lequel tu avais assez de liberté pour ne pas t'en lasser rapidement. Tu aimais l'ambiance qui régnait dans le pub, tu aimais jouer les psy avec des clients éméchés, les écouter te parler de leur mariage souvent désastreux ou de leur travail épuisant. Parfois tu te demandais si parmi ces habitués, il n'y avait pas ton père, paumé dans un coin puis assez rapidement tu chassais cette idée un peu folle. Tu n'aurais jamais penser trouver ton bonheur dans un bar, pour être sincère, tu ignorais que tu pouvais trouver un métier qui te passionnerait vraiment. Tu te souviens de tes années lycées, de ses gens qui t'entouraient rempli d'ambition alors que toi, tout ce que tu savais de ton avenir, c'était que tu n'irais pas à l'université et que même si tu l'admirais, tu ne voulais pas devenir femme de chambre comme ta mère. C'était triste comme ambition quand on y pense. Mais tu as toujours été comme cela, réaliste face au monde, à quoi bon se bercer de rêve ? La chute fait bien trop mal. Tu aimais ce pub même si il y avait quelques tâches ingrates, comme toujours. Par exemple ce soir, tu avais eu beau râler contre ton responsable, tu étais tout de même dehors en pleine soirée un sac de poubelle rempli de bière vide dans les mains. Pourtant tu riais, non pas par méchanceté mais plutôt face à une situation que tu n'aurais jamais imaginé et qui t'amusais, tu dois bien l'avouer. « J'ignorais qu'une rue sombre rempli de poubelle pouvait provoquer une telle joie. »

L'homme en face de toi, tu l'avais reconnu en un regard. Certes ses traits avaient pris de la maturité avec le passage à l'adulte mais tu te souvenais de l'adolescent qu'il était. C'était quelqu'un de bien, l'une des rares personnes bien que tu avais pu croiser durant ton adolescence. Et depuis ce fameux soir, vous ne vous étiez jamais revu, surement par honte quand tu y repenses. Il semblait heureux et la vérité, c'était que tu ne comprenais pas vraiment pourquoi. Et même avec les explications, cela te semblait assez flou. Il faut dire que le monde des pokémons, en dehors de symbolique Pikachu, tu n'as pas vraiment de connaissances sur le sujet. « Je veux bien te croire » Tu riais légèrement malgré ta surprise. « Félicitation pour ce ... serpent bleu » Tu étais du genre positive et le voir heureux pour cela te rendait en quelque sorte heureuse également. « Oui, oui, je vais très bien et toi ? Je bosse ici depuis quelques mois maintenant, c'est plutôt sympa et toi, tu fais quoi ? L'université ? » Oui, tu étais curieuse mais c'était surtout la discussion qui se prêtait à ce genre de question. Et d'ailleurs, tu savais que tu lui devais des excuses pour ton comportement. Tu n'étais pourtant pas du genre à éviter les gens mais même si tes souvenirs étaient flous, tu savais que tu lui avais parlé ce soir-là Et ça te mettait terriblement mal à l'aise. « Et tu as raison, il se peut que ses derniers temps, je t'ai un peu évité.» Tu lui avais fait une petite moue. « Merci. Beaucoup de garçons auraient abusés de la situation mais pas toi, bien au contraire. »

« Presque ? Tu vas me vexer tu sais ? » Tu riais légèrement. Djay était une connaissance de lycée mais tu savais que si tu avais fait l'effort de mieux le connaitre, il aurait pu devenir ton ami. C'était quelqu'un en qui tu avais toujours eu étrangement confiance, toi, qui ne fait confiance à personne. Il ne t'avait jamais traitée comme la poupée que jouait à être, comme la demoiselle arrogante que tu étais parfois. Parce que oui, tu étais comme cela, tu le savais. Parce que comme tout le monde, tu te cachais derrière une carapace. Parce que tu avais compris que dans la vie, il y a les proies et les prédateurs et il était hors de question que tu sois une proie, que tu sois faible. Même si tout dans ta vie voulait te diriger vers cette voix, toi, tu voulais être une battante. « Je ne peux pas lui en vouloir, personne ne me résiste, tu sais » Tu riais légèrement, jouer avec les mots c'était ton truc et même si tu croisais régulièrement des clients qui ne faisaient pas la différence entre servir un verre et offrir un verre, il en fallait bien plus pour t'effrayer. Au contraire, tu trouvais même cela assez drôle parfois et puis, par chance, il n'y avait pas que des vieux qui venaient noyer leur chagrin dans les bars. « Il me semblait que c'était ta soeur qui voulait reprendre l'entreprise, non ? » Ta curiosité n'était pas mal placée même si tu l'étais beaucoup trop depuis toujours. « C'était nulle, je sais mais je suis comme ça, quand je me sens en danger, je me faufile » Tu haussais les épaules en souriant timidement, tu ne voulais pas le blesser, tu ne l'avais jamais voulus d'ailleurs. Et tu t'en voulais aujourd'hui d'apprendre que cela avait été le cas. Tu pensais que ton silence n'avait eu aucunes conséquences, après tout, tu n'étais qu'une cheerleader parmi tant d'autre. « Et même si cette soirée est encore floue, je sais que je t'ai dit des choses .. que je n'aurais jamais dû dire à qui que ce soit. » Et par là, tu entendais que tu avais parlés de tes parents, d'un père dont tu ne sais rien et d'une mère qui se tue au travail pour t'offrir une vie digne de ce nom. Alors certes, ce n'était pas des gros secrets mais tout de même, ta famille était un sujet délicat, un sujet que tu évitais toujours avec succès, normalement.

Depuis toujours, tu jouais avec les mots pour cacher tes pensées même si pour le coup, tu étais plutôt sincère. Tu n'étais pas prétentieuse mais tu savais que tu avais du pouvoir sur les hommes grâce à ton physique et oui, c'est vrai, tu aimais en jouer. Tout comme tu aimais montrer au monde une femme sûre d'elle alors que tu ne l'étais pas tellement. D'ailleurs, Djay était l'une des rares personnes au courant de ce dernier point. « Ne t'en fais, je suis bien plus forte que j'en ai l'air » Tu lui souriais, sa manière de s'inquiéter était mignonne. Mais tu étais bien plus forte que ce que ton apparence frêle pouvait montrer, tu n'avais pas eu le choix avec les années. Tu avais testé un bon nombre de jobs et savoir se défendre était devenu presque aussi utile que de soutenir un homme saoul jusqu'à sa voiture. C'était le jeu comme on dit. « Pauvre homme, notre sous-genre à quand même failli prendre la maison blanche » Tu lui souriais, amusé même si ta phrase était vraie. Et que tu aurais adoré voir une femme gouvernée votre pays, tu savais que la plupart des hommes n'étaient pas prêt pour cela. Que malheureusement et malgré l'air moderne que nous assurons, l'égalité des sexes, ce n'était pas encore pour aujourd'hui. Suite à cela, tu passais aux aveux en réalisant que tu n'avais été sympa avec l'une des rares personnes qui ne s'étaient pas joués de toi. C'était stupide mais tu étais jeune et puis, tu es comme cela. Encore aujourd'hui, tu aimais jouer et rire mais quand ta carapace se fissure, tu fuis. « Je crois que oui, enfin je le vis bien en tout cas » Tu ne savais pas si tu pouvais dire que tu étais heureuse aujourd'hui, tes problèmes étaient toujours bien présents mais tu t'étais fait à l'idée que tu n'avais aucun pouvoir sur eux. Tu avais soulagé un peu ta mère en refusant l'université et en prenant ton indépendance. Quant à ton père, c'était toujours le même inconnu. « Oui, je le sais. » Tu lui souriais amicalement, tu savais que le souci venait de toi et de ta capacité à ne faire confiance à personne. « Je t'offre un verre en guide d'excuse ? »

La vision du monde de Djay te plaisait et tu étais assez d'accord avec lui. Les histoires du passé avaient su prouver que les femmes n'étaient pas de simple potiche présente dans le monde pour enfanter. Elles étaient bien plus puissantes, bien plus courageuse de ce rôle qu'on leur imposait et c'était peut-être pour cela que l'homme avait pris le pouvoir en premier. La force physique trônait en dessus de la force mentale. Même si heureusement, tous les hommes n'étaient pas les mêmes. C'était étrange de voir comme la conversation te semblait naturelle avec lui. Personne ne pourrait deviner le mal-être qui avait causé une coupure dans votre amitié, une erreur de ta part, tu le savais aujourd'hui. Un verre. C'était le minimum que tu pouvais faire pour te faire pardonner de ton silence, de ton absence. Et surtout c'était ton unique idée, tu étais bien loin d'être une femme très originale mais tu avais envie de poursuivre votre discussion ailleurs que dans une ruelle entourée de vieilles bouteilles d'alcool vide et d'un pokémon. Tu l'avais fait entrer par les arrières, c'était bien moins classe que l'entrée mais tu ne voyais pas d'intérêt à lui faire faire le tour du pâté de maison pour une porte. Une fois à l'intérieur, tu retournais derrière ton comptoir. Rapidement, tu avais jeté un coup d'oeil pour constater que le lieu ne débordait pas de clients, bien au contraire, la soirée allait être calme. Puis tu avais reportés ton attention sur ton ami avant de lui demander, tout sourire ce qu'il désirait. « Alors dis-moi, avec ou sans alcool ? » Ce n'était pas la question la plus classique mais tu aimais tenter des mélanges pour tes proches, leur faire un cocktail personnalisé. La plupart du temps, c'était une réussite, est-ce que ça allait en être une ce soir, telle était la question ?

Tu le regardais comme si tu étais une inspectrice en plein interrogatoire, l'esprit déjà bien loin dans tes pensées, à la recherche du mélange qui pourrait lui convenir. Un petit sourire sur le visage, personne ne peut ignorer ton regard quand l'idée te vient. Tu savais exactement ce que tu voulais faire et une partie de toi était persuadé que ce cocktail allait lui plaire. Tu lui avais donc fait un clin d'oeil avant de t'éloigner un peu plus loin afin de remplir ton shaker sans qu'il ne puisse avoir d'indices. L'oeil est souvent traite et tu sais qu'il associe les couleurs aux goûts, c'était pour cela que tu posais devant lui un cocktail avec un joli bleu mais avec un goût de fruits rouges et évidemment, une pointe d'alcool. Après, tout il t'avait laissé le choix. « Voilà pour toi » Tu déposais le cocktail devant lui. « Attend une seconde, et voilà ! » Juste le temps de mettre un petit morceau de fraise sur le côté, c'était un indice mais surtout cela rendait ton verre encore plus jolie. Un verre dont tu étais fière, après tout, c'était l'une de tes œuvres, inventé presque à la minute et dont tu gardais précieusement le secret. Tu lui souriais en attendant le verdict, espérant ne pas t'être trompé, après tout, peut-être que tu ne le connaissais pas aussi bien que cela.