(libre) Hauts les coeurs

Tu as eu du mal pour sortir de ton lit. Une habitude qui devient lassante. Tu te souviens d'avant, de toi et de ton énergie débordante quand tu courais dans la maison, cherchant le reste de la famille pour t'aider à construire ta fusée. Tu voulais aller dans l'espace à l'époque. Tu fais parti de ces gamins qui se prennent de passion pour quelque chose pour se lasser tout aussi vite. Tu ne t'es jamais lassée de la musique. Tu pourrais en écouter encore et encore.
C'est pour ça que tu as choisi ce métier. Vendeuse de vinyles, rien de très glorifiant quand tu vois ce que les autres font, mais les autres tu t'en fous.

Tu commences à bosser dans à peine une heure et tu es encore là à contempler ton plafond couleur crème, à réfléchir sur des conneries, des choses insignifiantes. Il ne te faut qu'une vingtaine de minutes pour être dehors, à peine réveillée, les cernes se mêlant aux tâches brunes clairsemées sur ton visage de craie. T'es à peine rentrée que tu te sens bien, dans ton élément. Tu tournes l'écriteau : ouvert. Ta journée commence et toi tu sais pas vraiment ce que tu vas pouvoir faire de ta journée à part écouter encore et encore de la musique derrière ton comptoir.

T'es concentrée. Tu ranges tes vinyles, seul endroit où tu es totalement consciencieuse. Tu es dans ton élément, c'est ton royaume. T'es souvent toute seule, on te fait confiance. T'as toujours cette impression d'être quelqu'un ici, d'être invincible. Ces murs ont un sacré pouvoir sur toi. Tu salues la personne quand elle rentre. La plupart des gens rentrent et sortent ou s'éternisent lorsqu'ils sont totalement passionnés et qu'ils recherchent la perle rare. T'as cette habitude de laisser les clients tranquilles. Ici, les gens cherchent un havre de paix, où le temps n'a plus lieu d'être et tu te sentirais trop coupable de venir éclater leur tranquillité tel une bulle de savon qui explose en vol. "Non c'est toi ! Tu travailles ici ?" Tu lèves enfin la tête. Djayden, le type aux jeux vidéos. Dans le même lycée avant. Tu l'as jamais vraiment aimé, trop bizarre, trop geek, trop d'excuses interminables que pour oser aller lui parler une fois. Salut Djayden ! Oui … Oui je travaille ici depuis quelques temps déjà ! Ta main glisse dans tes cheveux, tu ne pensais pas que tu serais aussi gênée de voir un ancien camarade de classe insignifiant. Tu as besoin d'aide ? Tu cherches quelque chose en particulier ? Tu essaies de changer de sujet, de repartir sur un simple contact client, tu ne veux pas échanger des banalités avec lui, tu ne veux pas qu'il sache que tu n'as pas avancer, que tu n'es pas plus que ce que tu étais à l'école, une gamine droguée qui est évitée par tout le monde. Tu es toujours au même point de départ.

@Djayden Carter

Tu te remémores des souvenirs en sa présence. Période ingrate du lycée où les gens sont encore plus cruels qu'en grandissant. T'étais pas populaire, tu te complaisais dans ta solitude. A une époque, tu aimais cette image de fille bizarre, rebelle et ça t'a vite lassé. T'as essayé de revenir, de te faire des amis parce que tu en avais marre d'être toute seule mais ton étiquette était collée et impossible de t'en défaire. Tu t'es fais une raison, tu resteras à jamais cette fille qui n'arrivera jamais à rien. C'est comme ça, autant s'y faire. Tu souris, parce que au fond, t'es pas si horrible que ça. Et bien je suis pleine de surprises figure toi ! Tu t'attendais à quoi ? A ce que tu finisses ta gueule dans un caniveau, morte, overdose. Ca aurait pu t'arriver, t'as juste eu de la chance. Tu sens tout le jugement, tout le poids des non-dits dans sa remarque. Et toi qu'est-ce que tu deviens ? Toujours occupé de pianoter sur ton clavier ? Tu n'as jamais compris le plaisir qu'on pouvait avoir à jouer à des jeux vidéos, toi qui aime tellement trainer dehors. Rien en commun tout les deux et pourtant vous êtes là, à vous joncher, sans savoir quoi vous dire exactement. Fallait que ça tombe sur lui. La conversation bifurque et toi tu essaies de trouver quelque chose qui pourrait lui convenir. Les vieux snob c'est ce qui fait fonctionner ce commerce ! Tu l'emmenes à l'étage, rayon jazz et classique. Pour quelqu'un de cette trampe, ça ne sers strictement à rien de rester dans les rayons rock. Ils n'ont pas assez de laisser aller que pour comprendre le concept même du rock. Je te conseillerais quelque chose de plus lascif, plus classe. Les vieux aiment bien le jazz. Enfin, ils aiment l'idée d'aimer le jazz surtout. Ca fait bien vu dans les discussions mondaines. Tu réfléchis encore, tu te libères en parlant de ce que tu aimes, parce que après tout, contrairement à ce que tout le monde pense, il n'y a pas que la drogue dans ta vie. Sinon, si tu veux rester dans la sécurité, le classique ça fonctionne à tout les coups ! Vu ce que tu me décris, je partirai plus sur un Berlioz ou un Bach ! Tu parles tout en cherchant les vinyles dans les boites. Pendant un instant, un instant seulement, tu oublies que tu es avec quelqu'un qui ne te connait que sous ton étiquette originelle.

@Djayden Carter

Tu te sens fière au fond, de voir que les gens soient étonnés de ta réussite. Tu ne fais pas grand chose en soit, tu es une simple vendeuse. Malgré tout, ce magasin c'est toute ta vie et ça ne fait que gonfler ton estime. Tu es encore loin d'être la fille sans soucis mais tu peux te raccrocher à cette lueur d'espoir au rythme lascif du blues qui passe à cet instant dans ton magasin. Ouais … et puis la nourriture est plutôt dégueu en prison donc j'ai décidé de me tenir à carreau. Y a trop d'inconvénients, même moi j'ai du réfléchir après ça … Tu en joues Tallulah, de ta réputation, vaut mieux en rire. Djayden lui, n'a pas vraiment changé, toujours aussi passionné par quelque chose que toi tu exècres. Tu ne pourras jamais comprendre … Par contre, fais gaffe j'ai peut-être des talents cachés. Ca serait tellement dommage de perdre face à une pauvre débutante innocente. Tu te surprends à faire de l'humour, lui que tu as éternellement jugé, dont tu te moquais quand tu étais avec tes quelques amis. Le bizarre, le mec qui resterait puceau à trente ans.

Tu mélanges humour et note professionnelle. Tu parles encore et encore de vinyles. Son sourire ne fait qu'illuminer le tien encore plus. Oui, c'est vrai que j'aime vraiment ce que je fais. Je me sens totalement dans mon élément ici. Après tout, je suis entourée des plus grands ! Qui ne voudrait pas travailler en écoutant du Queen et du Janis Joplin toute la journée ?" T'es rêveuse l'espace d'un instant, tu aurais tellement aimé vivre à une autre époque, les connaitre, hurler à leur concert. Tu n'as que ces vinyles pour te connecter à eux dorénavant. Mon dieu ç Tant de poids sur mes épaules ! Je ne sais pas si je vais réussir à supporter une telle pression rolalala ! Tu fais semblant d'avoir mal, pur talent de comédienne. Tu aimes à le croire en tout cas. J'espère que ton père sera content de ton cadeau ! Il n'a pas le choix de toute façon ! Ces eux vinyles sont somptueux. T'es douce un moment, parce que tu as entendu des choses, tu sais que le geek et son père c'est pas l'amour fou.

@Djayden Carter

Comme si tu pouvais être innocente. Ses mots sonnent dans ta tête. Tu te demandes si au fond tout le monde pense ça de toi. Ton sourire se fait léger lorsque tu penses à des personnes prenant des paris pour savoir quand est-ce que tu vas craquer, tomber dans le vice. A quel moment Tallulah Stone va tellement tomber bas qu'on sera obligés de l'enfermer. Au fond, tu te demandes ce que ça fait, d'être une fille normale, avec des parents qui la regarde avec fierté. Tu aimerais savoir c'est quoi cette sensation, celle de recevoir des sourires des passants dans la rue. Tu aimerais avoir une bonne influence sur les autres. Malheureusement, ton étiquette reste là et tu fais en sorte de vivre avec, jouant, manipulant cette image pour la tourner à ton avantage. Tu aimerais tellement arriver à être toi même avec le monde, perdre ce bouclier noirci que tu utilises constamment. Tu aimerais avoir la force de montrer la réelle fragilité de la jeune Stone. Mais pour qui tu me prends Carter ! Je peux être très innocente quand je veux ! Tu n'y crois pas un traitre mot. Tu es fourbe, noire, les gens le pensent en tout cas et au fond, tu t'en moques. Tu t'en convainc, du moment que tu es t'aime, que les personnes qui comptent te regardent en creusant au fond, tu ne peux qu'être heureuse. Un granité ! Ok ! Pari tenu ! Tu vas le regretter je te préviens. Je vais me battre pour réussir ! Tu rigoles, haussant les épaules Personne ne refuse un granité gratuit. Qui aurait pu le croire ? Tallulah la rebelle et Djayden le geek, qui aurait pu croire qu'ils rigoleraient dans un magasin de vinyles, des années après avoir été diplômés.

Tu mélanges humour et professionnalisme. J'ai quelques vinyles de rap français figure toi ! Et je préfère ça au rap anglophone ! C'est meilleur quand tu ne comprends pas les paroles crois moi ! Je me laisse simplement emporter par le rythme et parfois c'est pas mal ! T'aimes bien en écouter parfois, quand tu es un peu plus sur les nerfs et que tu as besoin de basses pour te calmer. Fille nerveuse.

Tu ne peux t'empêcher de rire quand il s'étonne de ta douceur. Tu ne peux t'empêcher de l'imiter. Grand Dieu ! Qu'est-ce que tu es flippant quand tu ne parles pas de jeux vidéos pendant cinq minutes ! Tu te rapproches de lui, posant ta main sur son front. Ca va c'est pas trop dur ? Tu tiens le coup ? Tu te rends compte que le mur entre vous s'effondre, brique après brique. Tu aimerais prouver la même chose au monde entier, que les gens te donnent une chance.

Tu descends avec lui, pour retourner à ta caisse. Je viendrai te dire bonjour dans ton territoire. Tu regardes les deux vinyles, cherchant le prix sur l'étiquette. C'est 37 dollars pour les deux s'il te plait ! Tu aurais bien aimé qu'il reste encore un peu. Tu n'as pas spécialement envie de retourner à ta solitude.

@Djayden Carter

Une gamine tellement courageuse qu'elle prend la place de son père pour aller à la guerre, et puis elle sauve tout le monde. C'est vrai que c'est pas mal comme comparaison. Tu as toujours préféré les héroïnes. Petite, tu rêvais de ça, d'être utile, de sauver des gens. Tu voulais faire un métier qui serve, où les gens te regarderaient avec admiration. Et te voilà, vingt ans plus tard, discutant dans un magasin de vinyles. Les choses ne se passent jamais comme on pourrait le penser Tallulah … Tu n'es plus qu'une personne hurlant à l'intérieur, tu es devenue la personne à sauver, la victime.

Promesse du petit doigt alors ! Vous êtes là comme deux gamins, comme si vous vous connaissiez depuis toujours. Rigolant, alors que vous n'êtes que de vulgaires inconnus retenus par des stéréotypes emmurant. Vous auriez du apprendre à vous connaitre, à vous dompter tout les deux. Essayer de grimper ce mur plutôt que de le regarder avec peur. Là, à l'instant, vous essayiez de le franchir petit à petit, tout les deux.

Tu l'emmènes dans un endroit un peu plus reclus du magasin où trainaient quelques vinyles de chanson française. Ton patron avait eu la bonne idée d'en acheter plusieurs, de différentes langues pour élargir la culture des gens. Depuis, ils prennent la poussière et tu es la seule à les écouter. Il ne faut vraiment pas que je te déçoives alors ! J'en ai quelques uns après ils sont assez espacés au niveau de l'époque. J'ai des vinyles des années nonantes jusque maintenant. On en a reçu un il y a peu, un certain Lomepal, c'est pas mal du tout … Plutôt mélancolique comme genre sinon j'ai des classiques. Un certain MC Solaar qui, d'après mes recherches, est plutôt populaire dans la culture française. Tu prends les deux et tu mets d'abord Mc Solaar. Caroline se fait ressentir dans les hauts-parleurs de la salle. Là, il parle d'une fille dont il est amoureux si je me souviens bien mais elle ne veut pas de lui car elle a déjà quelqu'un, un mec pas convenable ...

La musique vous transporte et rajoute un air agréable à cette atmosphère bonne enfant. Ce n'est pas trop dur pour toi de communiquer avec le reste du monde ? C'est pas pareil derrière un écran hein ? Tu ne peux t'empêcher de rire, bonne revanche de votre passage au lycée ou vous étiez tout les deux catégorisés dans des cases. T'as pas spécialement envie qu'il s'en aille Tallulah, qu'il te laisse dans ton antre de solitude. T'as pas spécialement envie qu'il paie, qu'il parte et que vous redeveniez des inconnus. Plus maintenant.

@Djayden Carter