Roxane ≈ « Dont stand me up, don't let me down. I need you tonight.» « Sorry...»

Elle avait les pensées un peu trop engluées ces derniers temps Roxane. Un peu trop abîmées. Comme si tout lui revenait. Ça l'avait empêché de dormir. Alors elle avait essayé de s'occuper en attendant que l’heure arrive. De penser à autre chose. S’évader. Un peu comme elle pouvait. Elle avait passé la matinée à essayer de réparer ce petit pot de fleurs qu'elle avait cassé la veille. Mais c’était son coeur qui en avait besoin. Mais ça Roxane, ça elle refusait toujours de le croire.

Elle avait fermé sa boutique aujourd'hui. Pas parce qu'elle n'avait pas dormi. Mais parce qu'elle avait rendez-vous. Elle l'avait déjà reporté trois ou quatre fois, elle ne savait plus trop. Elle entendait encore la voix de son psy qui lui disait qu'elle n'avancerait jamais comme ça. Il paraîtrait que le revoir lui permettrait d'avancer. Mais elle s'en foutait ça Roxane. Elle y croyait pas. Il était responsable et il n'y avait rien d'autre à savoir. Assise dans la salle d’attente, rien que l’odeur et la vue des murs blancs la rendait folle. Elle avait les yeux un peu embrumés. Et elle se retenait. Se retenir de pleurer pour ne pas s’avouer que rien n’allait plus depuis.

Et quand la porte du bureau s’ouvrit son regard changea. Soudainement. Et sur son visage se lisait toute la peur qui l’habitait. Ça n’avait duré que quelques secondes. Le temps qu’elle reprenne le contrôle. Parce que le perdre n’était pas permis chez toi hein Roxane. Regard noir qui remplace l’angoisse. La cache.

Comme une lionne forcée à rentrer dans une cage, elle avança à tâtons. Elle n’avait même pas pris la peine de s’asseoir. Trop occupée à gérer tout ce qui se passait dans son dedans. Elle n’avait entendu que la fin de sa phrase. Trop occupée à le dévisager. Le revoir lui faisait l’effet d’un coup de poing en pleine poitrine. C’était dérangeant.

« Je suis là pour une visite de contrôle. Si t’es au moins capable de faire ça. »

Tu détestais te retrouver face à lui. Tu détestais tout ce qu’il te rappelait. Tu le détestais lui aussi. Surtout. Enfin tu ne savais plus trop si c’était vraiment lui que tu détestais. Tu savais juste qu’il te fallait un coupable. Quelqu’un sur qui rejetait tout ton chagrin. Pour que ça soit plus simple pour toi demain.

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Rien qu'un frisson – ton corps réagit en mécanique à sa voix Roxane. A l'impact de ses mots, tes fondations tremblent. Ton regard tente d'accrocher le sien, comme si ça te permettrait de ne pas flancher. Tu retrouves dans son regard quelques miettes de vos souvenirs, tu réentends les rires – ceux qui t'avaient permis de tenir. Tu revois les flash-back, les instants partagés. Tu revois votre passé. Puis tu détournes encore le regard, comme pris en faute. Tu serres un peu plus tes petits doigts dans le creux de ta main. La suite, clinique : reprendre contrôle, ignorer les tremblements tandis que tu te redresses, tes doigts comme des feuilles au vent.

« Je t'interdis de refuser Isak. Je te l'interdis. J'ai pas fait tout ce foutu chemin pour que tu me refermes la porte au nez. »

T'es même pas sûre de ce que tu dis Roxane. Même pas sûre de réussir à lui faire face. T'es plus sûre de rien de toute manière. T'es même pas certaine de pouvoir le laisser d’ausculter. Tout se bouscule un peu trop dans ton esprit Roxane. Tout ça va un peu trop vite. Ou peut-être pas d’ailleurs. Puis machinalement tu t’assoie. En signe de résistance. Même si face à lui tes remparts ont commencé à s’effriter.

« T’étais même pas là quand… quand on Et t’as la voix qui s’effrite Roxane. Une larme au coin de l’oeil. Quand on l’a enterré. »

Les mots trébuchent encore un peu les uns sur les autres, il faut laisser aux idées le temps de s'aligner de nouveau, retrouver consistance. Mais tu sais qu’au fond t’étais pas là pour une visite de contrôle hein Roxane. Tu sais bien qu’au fond t’étais là parce que t’avais pas réussi à faire ton deuil. Parce que t’avais besoin d’explications – même si tu ne les écouterais pas. Tu sais que t’étais là parce que finalement il n’y avait plus qu’Isak qui te rattachait à elle et à tout ça.

Puis tu laisses filer le silence – les armes baissées, rendues. Fatiguée de t’être battue trop de fois. Contre le monde. Contre lui surtout. Le pire c’est qu’il arrivait parfois à te manquer. Ça se bouscule. Ça vrille, ça brûle. Les mots qui condamnent. Jamais ceux qui pardonnent.

« Je suis là parce que mon psy m’a demandé de venir...»

Leave me in peace
Caught in my memories
Lost underneath

Habillée de noir. Un élan de lassitude, le glacial au dedans - tu rends les armes Roxane, t'as pas la force, tu l'as plu. L'écho de ses mots tourne au dedans : ça ressemble trop aux pensées que tu ressasses habituellement et que tu noies dans les substances pour tenter de les assassiner en vain. Si tu t'appuies sur le dos de la chaise c'est pour ne pas flancher, pour ne pas t'écrouler. Lentement, une inspiration après l'autre. Tu te sens glisser. Hors d'emprise. La tourmente habituelle.

Tu sais même pas si tu aurais préféré qu'il vienne te voir ce jour-là. Tu sais même plus. T'es trop perdue dans ton dedans en bordel. Ton regard accroche le sien, enfin - sans ciller cette fois. Tu ne lui réponds même pas. Rien ne semble plus avoir de consistance. Et tu regrettes le temps passé. Le vous d'autre fois. Tu le regrettes lui mais le chagrin l'emporte. Toujours. Il te rappelle à chaque fois, t'oblige à trouver un coupable, autre que toi. Peut-être qu'au fond tu savais qu'il n'y pouvait rien, hein Roxane. Mais t'avais besoin de trouver quelqu'un sur qui reporter ta peine.

- Tu aurais dû... tu aurais dû être prêt de moi. Pour ça aussi je t'en veux Isak.

Et face à lui t'as plus rien de la lionne que tu étais. Reine déchue. Ailes coupées. D'autres mots t'ont traversé l'esprit, un élan du coeur, un sursaut de l'âme, mais t'as faibli Roxane, faibli face aux non-dits, face aux insécurités, alors tu t'es défilé parce que t'es plus capable de lui dire quoi que ce soit. Tes fondations complètement effondrées.

- Tu me dis que je ne mérite pas ça mais j'ai cru l'avoir cherché, pendant des années... Tu ravales tes mots Roxane. T'as la voix qui tremble. Les yeux un peu humides aussi. Tu t'es jamais montré aussi fragile. Il m'as dit que je devais apprendre à te pardonner... et peut-être que j'ai envie d'essayer. T'avais dis ça à demi-mot. T'étais même pas sûre qu'il avait pu t'entendre. Tes yeux plongés dans son regard. Tu t'y perdrais.

Mais le problème aussi Roxane c'est que tu croyais aussi être coupable. Et ça c'est permanent Roxane, imprimé sur l'envers de tes paupières, lettres de sang en pleine vue chaque fois que tu fermes les yeux. Parce que tu crois aussi l'avoir tué.