(J&C) Besoin d'un verre ?

Quand tu regardes autour de toi, tu ne peux faire qu'un constat : les gens ont bien mieux à faire ce soir que de trainer dans ton bar. Accoudé contre ton propre comptoir, tu regardais depuis déjà une bonne demi-heure ton patron demandé aux serveuses de rentrer chez elles, les unes après les autres. Il a beau te dire de ne pas rester comme cela à rien faire, tu dois bien avouer que le comptoir brille déjà beaucoup trop pour un bar ouvert et puis, le ménage en plus de l'avoir déjà fait, ne t'amuse pas vraiment. Tu observais les quelques personnes dans le bar, certains était là sans trop savoir pourquoi, d'autres avaient l'espoir d'avoir un peu de compagnie pour la nuit. Bien vite, les observer t'ennuie davantage que le ménage, alors tu avais décidés de t'amuser un peu avec la seule distraction que tu avais, l'alcool. Attention, tu es bien trop raisonnable pour boire au travail mais rien ne t'empêche de tester de nouveaux cocktails, de faire de nouveaux mélanges et qui sait, tu vas peut-être faire une grande découverte. Ton shaker à la main, tu avais laissé ton inspiration te guider à travers les nombreux choix de mélange que tu avais. Jouant  entre alcool et fruits comme le veut la tradition. Tu goûtais par petite touche, tu ne pouvais pas finir même juste pompette quand tu travaillais alors tu devais être prudente. Après un petit moment de travail, tu étais plutôt contente du résultat alors tu t'approchais d'une personne, une personne seule mais surtout pas très long de toi. « Je viens de tenter un cocktail qui peut soit améliorer votre soirée, soit ne pas l'empirer mais promis, normalement, vous ne craigniez rien. Ca vous tente ? » Ton fidèle sourire sur le visage, tu étais fière de ta boisson et tu espérais sincèrement qu'elle allait être aussi belle que bonne.

Tu souriais en voyant ton amie, même si tu l'as connaissais suffisamment pour comprendre que quelque chose n'allait pas. Tu étais toujours heureuse de la voir, elle, l'une des rares personnes qui savaient lire entre les lignes de chacune de tes phrases. Comprendre qui tu étais vraiment parce qu'elle te connait derrière ton assurance et tes sourires charmeurs. Tu ne voulais pas jouer les inspectrices, même si elle connait ta curiosité parfois maladive, tu préférais la laisser venir vers toi et ouvrir son coeur. Tu lui avais proposé ton cocktail en la vouvoyant, c'était une manière de faire de l'humour qui ne faisait probablement rire que toi-même si tu avais su lui voler un sourire. Mais tu étais réellement fière de ton mélange sans trop savoir si il était vraiment bon et beau, si ce n'était que dans ton regard. Sa couleur était oranger, légèrement rougi dans le fond. Oui, "physiquement" il en rappelait un autre mais son goût était bien différent, du moins, c'était ce que tu espérais. Le bar étant loin d'attirer les foules ce soir, tu pouvais te permettre de sortir de ton comptoir pour la prendre dans tes bras et la saluer avant de revenir à ta place, au cas où quelqu'un aurait besoin de toi. Tu devais garder à l'esprit que tu étais en service ce soir. « Une envie de courir, hein ? Ou tu as choisi cette tenue rien que pour moi ? » En réalité, tu te moquais bien de la tenue qu'elle choisissait pour venir te voir, le plus important c'était sa présence même si c'était le genre de chose que tu avais du mal à dire à voix haute. La taquiner, c'était ta manière de le dire, en quelque sorte.

Tu savais que si tu étais du genre à te prendre la tête pour une tenue, ce n'était pas forcément le cas de Juliette, elle était bien plus simple que toi. C'était peut-être pour cela que tu te sentais proche d'elle depuis de longues années. Vos différences étaient vos forces, vous étiez l'amitié sur laquelle personne n'aurait parié et pourtant, les années passent et votre lien se renforce. En la voyant ici, dans cette tenue, tu savais au fond de toi que les apparences étaient trompeuses et que tout n'était pas aussi simple qu'on pourrait le croire. Alors, tu essayais d'en savoir plus avec ta délicatesse légendaire. Tu n'avais jamais été le genre de femme douée avec les mots, enfin douée pour trouver les bons mots, tu avais tendance à parler avant de réfléchir et logiquement, tu étais parfois maladroite. Autant dans tes mots que dans tes gestes. Tu répondais à sa réponse avec un clin d'oeil amusé avant qu'elle ne te lache une bombe ... Une nouvelle que tu n'avais pas vu venir et qui t'avait laissé figer sur place quelques instants. « Attend, quoi ? Comment ça ? » Elle ne t'avait pas répondu tout de suite, testant ton cocktail dont le résultat n'était pas celui que tu espérais. Cela t'avait fait un léger pincement, tu y croyais mais étrangement, ton cocktail semblait bien moins important que ce qu'elle venait de te dire. « A ce point ? Ou c'est une excuse pour que je t'offre quelque chose de plus fort ? » Tu l'as regardais l'air interrogatif, noyer ses chagrins dans l'alcool, c'était plus ton truc mais parfois, un verre fait du bien.

Tu étais incapable de comprendre le lien qui pouvait unir Juliette et Lizzie, incapable de comprendre ce que c'était d'avoir une soeur. Toi, tu étais seule, seule avec ta mère depuis que ton géniteur avait pris la fuite et tu avais vu ta mère se noyer dans un travail minable alors la vie de famille, tu ne connais pas vraiment. Évidemment, vous avez vos propres traditions et vos moments de complicité mais à l'âge où l'on déteste le monde, tu étais souvent seule malgré les apparences. Si au lycée, tu étais la fille populaire, tu avais toujours eu conscience que ce n'était que passager. A l'exception d'une ou deux personnes, personne ne connaissait vraiment ta vie. Alors comprendre un lien de jumelles, c'était mission impossible mais tu avais vu ton amie ses derniers mois. Tu l'avais vu mettre sa vie entre parenthèse pour se concentrer uniquement sur sa soeur. Tu étais là quand elle retrouvait espoir ou quand elle le perdait, enfin quand elle te laissait être avec elle. La réalité, c'était que tu ne lui en voulais pas pour ses réactions, comment pourrais-tu ? « Elle a débarquée comme ça ? Comme une fleur ? Elle t'a dit où elle était au moins ? » Malgré ton apparence froide, tu étais une sentimentale et surtout tu sortais les crocs quand tu sentais un danger et là, tu avais un mauvais pressentiment. Tu n'aimais pas les secrets surtout quand tu voyais à quel point cela perturbait ton amie.

« Ah ouais, tu es comme ça toi maintenant ? » Tu l'as regardais avec ta mine la plus triste durant quelques secondes avant de rire. Tu n'étais pas vraiment douée pour garder ton sérieux, même si tu avais quelques talents de comédienne quand tu le souhaitais. Quoiqu'il en soit, tu étais ravie de ton invention de ce soir. « Mais je suis ravie qu'il te plaise, je vais peut-être lui donner ton nom qui sait. » Tu riais mais l'une comme l'autre, vous saviez que tu étais capable de ce genre de folie.

« Je ne suis pas calé en justice mais si tu l'as crois alors je veux bien la croire aussi. » Tu ne savais pas trop quoi penser de l'histoire que Juliette était en train de te raconter. Parce que ça te parait tellement fou, c'était le genre d'histoire qu'on entendait à la télévision et de ce fait tu étais partagé entre deux sentiments et des centaines de questions dont Juliette n'avait probablement pas les réponses. Si elle disait la vérité, c'était dramatique comme histoire, peut-être même dangereux, le programme de protection des témoins était un dispositif souvent utilisé mais assez peu connu. D'ailleurs, ceux qui en bénéficiaient ne devaient pas garder le secret ? Et pourquoi revenir maintenant ? Tu essayais de fouiller discrètement dans ta mémoire et de te souvenir du journal que tu lisais régulièrement et tu ne voyais pas d'affaire en particulier. Rien qui pourrait justifier un retour à la normale maintenant. Alors tu restais méfiante, même si tu l'étais avec l'humanité en général, tu avais envie de croire qu'entre soeurs, on ne se mentait pas à ce point. « Je pense que c'est normal, ses derniers mois ont tournés autour de sa recherche. Tu avais toujours ce stress en toi et là, d'un coup, elle revient. Et tout ce qui faisait ton équilibre dernièrement disparait mais je pense que ce n'est que passager. Maintenant que vous vous êtes retrouvés le meilleur est à venir » Tu lui souriais, tu étais sincère dans tes paroles, malgré tes doutes. Le fait qu'elle ne passe plus ses journées avec ce stress ne pouvait lui faire que du bien. Puis ton cocktail était venu détendre l'atmosphère, enfin l'idée de le dédier à ton ami en lui donnant son nom et alors que vous étiez en train de rire, le prénom de Jagger était apparu dans la conversation. Tu connaissais l'histoire de ses deux-là et tu savais que le fait qu'elle t'en parle n'était pas anodin. « Qu'est-ce que le beau brun à encore fait ? »

Juliette était la personne la plus loyale, la personne la plus droite que tu connaissais et pourtant, tu sentais qu'elle allait te lâcher une nouvelle bombe. Tu l'as connaissais avec les années, tu savais lire en elle et tu savais reconnaitre les signaux qu'elle envoyait. Tu sentais son stress, tu voyais ses mains tapoter autour de son verre, sa voix hésitante qui ne disait quelques mots. Même si c'était probablement toi la plus bavarde de vous deux, ce silence en disait long. Et petit à petit, tu comprenais ce qu'elle allait te dire, tu comprenais qu'elle allait culpabiliser mais tu étais peut-être sans coeur parce que tu ne comprenais pas pourquoi. Juliette avait toujours eu un faible pour Jagg, Lizzie le savait très bien. En les abandonnant, ils étaient condamnés à passer du temps ensemble, à s'inquiéter ensemble et à se rapprocher. La vérité c'était que tu pensais qu'ils allaient craquer bien plus tôt, peut-être parce que tu avais vu des regards dont ils n'avaient même pas conscience ? « Évidemment que tu ne l'as pas repoussé, on parle de Jagg. Déjà qui le repousserai ? Et en plus de cela, tu craques sur lui depuis quoi .. Cinq ans au moins ? Je penserais que vous craqueriez plus vite. » Tu posais sa main sur la sienne en souriant. Tu utilisais le ton de l'humour mais les mots qui sortaient de ta bouche était sincère. Evidemment que Jagger était mignon, il faudrait être aveugle pour penser le contraire mais ce n'était qu'un peu d'eau en plus pour son moulin. Parce qu'eux deux, c'était une évidence dans tes yeux. Même si tout n'était pas simple et que le retour de Lizzie tombait vraiment mal pour le coup. « Racontes-moi ! Juste un petit bisou ? Vous en avez reparlés ou tu as fui telle Cendrillon suite à cela ? »

Tu voyais la culpabilité dans les yeux de ton amie et sincèrement, tu ne comprenais pas pourquoi. Bien entendu, la situation n'était pas simple et embrasser le mec de sa soeur n'était pas une situation idéale mais est-ce que c'était si dramatique que cela ? Après tout, Jagg et Juliette était une histoire bien plus vieille que Jagg et Lizzie alors comment savoir qui l'avait volé à qui au départ ? Et puis, tu les voyais toi ses regards depuis quelque temps, tu avais bien remarqué que plus Lizzie était absente et plus leurs yeux se parlaient. Dans ton esprit il était clair que ce n'était qu'une question de timing, personne n'aurait pu deviner que c'était à ce moment précis qu'elle allait rentrer. Et comme toute amie à qui on raconte ce genre de chose, tu voulais en savoir plus. « Un baiser ne brise pas le charme, il le rend réel » Il est vraiment que tu étais bien moins romantique que Juliette et sa réaction ne te surprenait pas, même si elle venait de rater une occasion en or. Tu devinais que déjà en temps normal les retrouvailles avec le jeune brun allait être compliqué alors avec Lizzie au milieu, tu savais ce qu'elle allait faire : l'éviter. Et tu savais aussi que c'était une mauvaise idée. « Ou peut-être qu'il va réaliser qu'il s'était trompé de soeur dès le départ. On ne peut pas savoir de quel côté son coeur balance mais ce baiser n'a rien d'anodin. » Oui, tu aimais voir le positif en chaque chose qui t'entoure. Mais tu savais que ce n'était pas un baiser échanger durant une soirée alcoolisée. Ses derniers mois, ils avaient passés un nombre incalculable d'heures ensemble. Alors tu sentais que c'était bien plus profond que cela pour Juliette mais aussi pour lui, ce n'était pas un coureur de jupons, ni un idiot. Il n'aurait pas pris le risque de perdre Lizzie juste pour un baiser, ça te semblait impossible. « Quoiqu'il en soit, je t'interdis de faire comme si ce baiser que tu attends depuis des années n'étaient jamais arrivés ! »

Tu savais que tout cela, ce n'était pas tes histoires. Que ce qu'ils se passaient entre eux ne te regardaient pas, tout comme ce que pouvait ressentir le jeune homme pour les deux demoiselles. Tu n'étais pas dans l'histoire, tu n'avais pas tous les détails. Tu devrais simplement écouté et te taire, mais tu en étais incapable. Et en venant te parler de cela, Juliette savait que tu allais donner ton avis. C'était plus fort que toi, tu te devais de te mêler de la vie des autres, même si tu étais consciente que tu ne devais pas intervenir, tu restais une conseillère qui écoute mais qui parle sans forcément prendre de pincettes malgré tes efforts. Tu connaissais Juliette, elle avait mis ses sentiments pour Jagger entre parenthèse quand Lizzie était entré en jeu et tu savais que pour arriver jusqu'à ce baiser, tout n'avait pas été si simple que cela. Alors tu ne voulais qu'elle recule une nouvelle fois avec le retour de sa jumelle. Même si tu étais pour la paix des familles, dans ton esprit c'était le moment pour Juliette de dire haut et fort ce qu'elle pense. Parce qu'au fond de toi, tu sais qu'elle préfère souffrir que faire souffrir, c'était dans sa nature. Tu souriais à sa réponse, c'était déjà un bon point de garder ce qui s'était passé comme quelque chose de réel. Appelé par un client, tu souriais à ton amie avant de t'éloigner quelques secondes et à ton retour, c'était des nouveautés de ta part qu'elle attendait. Sauf que ta vie n'avait rien de très passionnant en ce moment, c'était même totalement déprimant au fond. « Rien d'aussi croustillant » Tu lui avais un clin d'oeil avant de reprendre. « Ma vie est carrément nulle en ce moment, j'ai l'impression d'attirer les cons ou les alcooliques, en même temps on est dans un bar »